Macrale, magicienne, fée, sorcière,… dans l’imaginaire collectif, la macrale est toujours une vieille femme, acariâtre, laide, malfaisante, à l’image de celle de Blanche-Neige, un condensé de tout ce qui est haïssable chez les femmes. Le mot fait peur. Il n’est pas étrange de le trouver dans les contes qui terrifient les enfants. Durant des siècles, les hommes ont chassé et tué ces femmes qui sortaient juste de l’ordinaire, qui parlaient trop fort, qui en savaient trop, qui ne tenaient pas leur rôle de mère et de femme au foyer comme ils l’entendaient. Des mouvements féministes ont exhumés et étudiés les archétypes de ces sombres années de la Renaissance. Le tour de force des ces féministes a été de retourner la figure négative à leur avantage, de se l’approprier. Aujourd’hui, les sorcières clament haut et fort sur Instagram, sur les réseaux sociaux leur appartenance à des gangs, collectifs ou convents.
Je ne me rappelle que trop bien les gamins qui insultait ma grand-mère de sorcière parce qu’elle tenait la bibliothèque un peu obscure à côté de leur école, avait des cheveux blancs, une démarche peu assurée. Traiter une femme de sorcière, c’est dénoncer sa laideur, ses cheveux gris, sa sexualité trop débridée, sa solitude, son amour des chats noirs, des plantes qui tuent, qui soignent, les fleurs méconnues. Ces gamins d’hier ignoreront à jamais à quel point je suis fière d’être le portrait craché de cette « sorcière » – bien que plus jeune pour l’instant. Ils ignorent peut-être aussi que les femmes aux cheveux gris qu’ils ont chéris ont probablement subit les mêmes moqueries.
Où que je le rencontre, le mot « sorcière » aimante mon attention, comme s’il annonçait toujours une force qui pouvait être mienne. Quelque chose autour de lui grouille d’énergie. Il renvoie à un savoir au ras du sol, à une force vitale, à une expérience accumulée que le savoir officiel méprise ou réprime. J’aime aussi l’idée d’un art que l’on perfectionne sans relâche tout au long de sa vie, auquel on se consacre et qui protège de tout, ou presque, ne serait-ce que par la passion que l’on y met. La sorcière incarne la femme affranchie de toutes les dominations, de toutes les limitations ; elle est un idéal vers lequel tendre, elle montre la voie.
Sorcières – Mona chollet
J’aime et j’ai toujours aimé les sorcières. Petite, déjà, je me voyais sorcière, parce que les sorcières, elles étaient badass, surpuissantes, indépendantes, intelligentes, elles avaient une collection de bouquins qui faisait rêver la petite de souris de bibliothèque que j’étais, elles étaient des geeks auxquelles je m’identifiais, des filles que j’aurais voulu être.
Je m’appelle Marie. Je suis née en 1991, j’ai grandi dans les années 90 avec une télévision et les débuts du web. J’ai passé mes samedis après-midi avec Willow Rosenberg (Buffy), j’ai étudié avec Hermione Granger (Harry Potter), j’ai ri avec Salem et Sabrina Spellman (Sabrina l’Apprentie Sorcière), j’ai suivi les sœurs Halliwell (Charmed), j’ai été charmée par Galadriel (Seigneur des anneaux), j’ai feuilleté les BD Mélusine, j’ai voyagé avec les Dames du Lac de Bradley, j’ai combattu aux côtés de Yuna et Lulu (Final Fantasy X). Mes journées étaient parsemées d’autant de figures inspirantes.
Depuis mon plus jeune âge, j’étais fascinée par les sorcières. Je me rappelle même, avec un petit sourire moqueur, mon ébauche de roman sur les sorcières de Salem sur lequel j’avais passé des heures et des heures à faire des recherches, tentant de comprendre pourquoi ces personnes avaient été condamnées au bûcher. Je me revois essayant de fabriquer des feuilles en papier mâché pour obtenir un look grimoire. J’ai été bercée et embarquée dans les mondes fantasy. La sortie en 2001 du Seigneur des Anneaux a profondément marqué mon esprit. Je voulais marcher en Terre du Milieu, au milieu de cette nature sauvage, cueillir les plantes magiques, et rencontrer elfes, nains, hobbit et magiciens. Mon amour pour ce film, et ensuite les livres, m’a poussée à créer mon premier blog. J’avais 11 ans. Ce loisir a orienté toute ma carrière professionnelle puisque j’ai décidé de travailler dans le web et la communication numérique.

Si depuis cette période mon point de vue sur la sorcière s’est enrichi et détaché de l’image rabougrie souvent véhiculée, c’est sans doute grâce à de nombreuses lectures, notamment Sorcières de Mona Chollet. Je pense que sans avoir compris ce qu’était le féminisme à l’époque, que j’avais déjà absorbé matière à réflexion pour ma vie d’adulte. Je n’admirais que ces femmes. Mes héroïnes étaient de celles qui avaient été condamnées durant des siècles par des hommes effrayés de leur savoir, leur connaissance des plantes et des remèdes.
L’homme qui prépare les onguents et les médecines a pour nom apothicaire. Lorsque c’est une femme qui exerce cette activité, on l’appelle sorcière.
Un monde sans fin – Ken Follett
Mais le web, le numérique, les réseaux sociaux, les actions marketing, les yeux rivés sur les ordinateurs, ils déconnectent de la réalité. Ils créent des mondes virtuels, dans lesquels je me suis souvent perdue, j’ai flâné trop longtemps, au point de me demander aujourd’hui ce qu’ils peuvent m’apporter.
Aujourd’hui, après des mois, pour ne pas dire années, de souffrances psychologiques, plusieurs burn-out, la sensation omniprésente de n’accomplir rien d’utile, l’impression de me perdre de plus en plus dans une vie que j’exècre, l’obsession pour les grands espaces et une profonde lassitude de la vie citadine, j’ai besoin de remettre de la nature au cœur de mon existence. J’ai besoin de voir les arbres s’épanouir et disparaitre dans le vent au fil des saisons. Je tiens à me lever le soleil sur le visage, sans vis-à-vis malsain. Je veux profiter des plantes, explorer leurs pouvoirs, créer mes propres potions.
Voici trois ans que je m’intéresse aux plantes, à la façon de bénéficier de leurs bienfaits, par les huiles essentielles, par les macérats, par les eaux florales, les tisanes. Il me reste énormément à apprendre, à découvrir, à expérimenter. Je veux devenir cette sorcière comme mes idoles, mais une sorcière belge, au cœur des Ardennes est une macrale.
J’espère donc vous emmacraler au fil de mes découvertes et aventures en quête de savoirs.
Valwen, Macrale en herebe